Décidément, la loi portant création de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF) a été adoptée en RDC, au cours de la plénière de vendredi 22 janvier 2021 par les députés nationaux. Cette loi a pour objet la ratification de l’accord portant création de la ZLECAF, faut-il encore le rappeler, signé le 21 mars 2018 à Kigali, au Rwanda.
De ce fait, le député national Hubert Furuguta tire la sonnette d’alarme pour que la République Démocratique du Congo ait de quoi produire, de quoi proposer aux autres avant d’accéder à cette zone de libre échange. Face à cette urgence qui s’impose au pays, l’élu de Goma n’est pas allé par quatre chemins pour poser sa condition aux pays membres de la ZLECAF de garantir la RDC en participant à la réhabilitation de l’outil de production du Congo afin que ce dernier ait de quoi leurs proposer.
Dans une interview accordée à votre journal, l’honorable député national Hubert Furuguta a, d’entrée de jeu, laissé entendre que la ratification de loi de la ZLECAF apporterait quelque chose au pays si et seulement si la RD. Congo est placée dans des conditions de pouvoir produire et échanger, à avoir de quoi donner et recevoir.
« Le rendez-vous du donner et du recevoir, c’est ce qui caractérise l’adhésion à la zone de libre échange, sinon à mon avis, je ne pense pas que ce soit opportun, mais compte tenu de l’urgence qu’on nous présente, l’urgence qu’on nous explique et nous impose parce que aucun pays ne peut vivre seul. Surtout pas la RDC. Mais, nous sommes dans des conditions tels que les pays voisins, certains pays membres de la ZLECAF sont listés parmi ceux qui nous mettent en difficulté économique et en difficulté de production », a-t-il fait savoir.
Dans ce registre, ce député national élu sur la liste de l’UNC a laissé comprendre qu’on demande à la RDC d’adhérer à une zone de libre échange dont les membres sont déjà organisés au préalable du moment où, indique-t-il, la RD. Congo n’est pas encore au début même de l’action de l’organisation. Aussi, explique-t-il, le Congo de Lumumba est incapable de produire même un sac de thé, un sac de café, un sac de riz par mois.
Il a, par la même occasion, martelé que la RDC est incapable d’échanger sur le marché économique même des fruits pourquoi, précise-t-il, parce qu’on a insécurisé toutes les zones de productions de la RDC.
« Moi, je suis du Kivu, le Kivu est victime principale de tous les abus, de toutes les agressions qui sont mises à la tête de ces pays là qui veulent que nous entrions illico dans la zone de libre échange. Alors, ces pays là sont déjà organisés, ils nous ont mis à genou pour qu’eux viennent chez nous, de nous imposer leurs vivres, leurs produits, nous consommons ceux qui viennent de l’étranger. Chez moi au Kivu, nous produisions ce qui nourrissaient tous les pays de l’Est et qui arrivaient même à Kinshasa et une partie allait en Europe avant les guerres. Toutes les guerres de 96, 98, nous ont mis à genou. Et voilà moi j’ai considéré tout simplement que ces guerres étaient économique, parce qu’à partir de ces guerres, on a détruit l’industrie de production du Kivu », a déclaré l’honorable Hubert Furuguta élu de Goma.
Dans cette même ligne droite, s’est-il interrogé, qu’est ce que la République Démocratique du Congo va donner aux autres? A contrario, il estime que la RDC va adhérer pour être un grand marché de consommation imposée de tous les produits de n’importe quelle qualité. A cet effet, a-t-il renchéri, « qu’est ce que nous allons y gagner ? parce qu’ils viendront vendre chez nous, ils prendront nos devises, ils amèneront chez eux et nous, nous garderons quoi dans nos banques? Parce qu’ils ne nous permettent pas d’avoir de quoi produire et amener chez eux. La zone de libre échange étant un rendez-vous du donner et du recevoir ».
Défis à relever et perspectives
Plusieurs défis sont, cependant, à relever dans la mise en œuvre de la ZLECAf en République Démocratique du Congo, à savoir, la diversification de l’économie congolaise, la construction des infrastructures de base et amélioration de l’offre énergétique ; l’amélioration du climat des affaires et la pacification du pays. En perspective des échanges commerciaux dans le cadre de la ZLECAf, le Gouvernement a entrepris un certain nombre d’actions pour que la République Démocratique du Congo, le secteur privé y compris, tire davantage profit de la mise en œuvre de la ZLECAf.
Il convient de relever avant tout que le commerce intra-africain, dans sa configuration actuelle est un vrai paradoxe. D’un côté, avec 30 millions de km2, le continent détient l’une des superficies les plus étendues de la planète. Sur le plan démographique, il représente 16 % de la population mondiale. De l’autre côté, l’Afrique pèse 3 % du commerce mondial avec un commerce intérieur fortement fragmenté. Il reste un grand pourvoyeur des matières premières pour les pays industrialisés et autres pays émergents. Il subit régulièrement les variations des prix de matières premières. Les exportations du continent sont également à faible valeur ajoutée. En plus des produits de premières nécessités que l’Afrique importe en abondance, sa structure d’importation fait une part belle aux produits manufacturés et d’équipements qu’elle produit en faible quantité.
La ZLECAf ambitionne de faire de l’Afrique l’un de plus grands marchés communs du monde, avec comme objectif la réduction des barrières douanières, la promotion des échanges intra-africains et l’amélioration de sa balance commerciale. Les projections de la Commission Economique de l’Union Africaine y relatives révèlent que la mise en œuvre de la ZLECAf aura entre autres pour effets notamment, le développement des échanges commerciaux intra-africains, attendu à 52,3 %, soit un total de 34,6 milliards d’USD, partant de 17 % actuellement, pour un marché de plus de 1,2 milliards des consommateurs et, de 2,5 milliards en 2050 ; la hausse des salaires réels des travailleurs non qualifiés ; la transformation structurelle et
industrielle de l’Afrique ainsi que la création de chaines de valeurs régionales et continentales, voire mondiales ; la réduction considérable des barrières tarifaires et la suppression des barrières non tarifaires, résultant de la pluralité de CER, et la facilitation des échanges qui en découlent et qui consacrent l’élargissement de marchés pour le commerce des marchandises et des services, avec des externalités positives.
Selon le récent rapport de la Banque Mondiale de juillet 2020, la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) représente une véritable occasion de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans cette région. S’il est pleinement mis en œuvre, cet accord commercial pourrait accroitre le revenu régional de 7% (soit 450 milliards de dollars), accélérer l’augmentation de la rémunération des femmes et sortir 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté d’ici 2035.
Il sied de noter que l’exposé des motifs de cette loi, l’on retient que l’objectif de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine, (ZLECAF) est celui de faire de l’Afrique le plus grand marché unique au monde, avec comme objectif la réduction des barrières douanières et la promotion des échanges intra-africains, précise l’exposé des motifs de cette loi. Ainsi, la République Démocratique du Congo est appelée à ratifer cet Accord pour en tirer le maximum de proft, en développant une économie nationale compétitive et apte à
capter les opportunités qu’offre ce vaste marché africain. Après son adoption à l’Assemblée nationale, la proposition de loi créant la ZLECAF sera envoyée au niveau du Sénat pour seconde lecture.
Célestine Masudi